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«Avec CERES, nous contribuons à montrer la direction d’une gestion multifonctionnelle des territoires qui permette de satisfaire les besoins tant de ceux qui vivent dans la forêt que de ceux qui vivent de la forêt.» Entretien avec Sébastien Chauvin

Catégorie Gestion des projets approuvés

Cette année, Interreg fête son trentième anniversaire, en se concentrant sur trois thématiques d'intérêt pour la cohésion européenne: la jeunesse, une Europe plus verte et le voisinage. Dans ce cadre, chaque mois, nous interrogerons l'un de nos projets emblématiques liés à l'une de ces thématiques.

Ce mois-ci, nous avons discuté avec Sébastien Chauvin, Directeur de FORESPIR, qui nous a présenté le projet CERES qui contribue à améliorer la connectivité écologique dans les espaces rivulaires et forestiers du sud-ouest européen.

  • Comment est né le projet CERES  ?

CERES est l’acronyme de « Connectivité des écosystèmes rivulaires et forestiers de l’espace SUDOE ». Le projet vise à identifier, à l’échelle du territoire SUDOE, les connexions entre les écosystèmes. Les paysages sont composés d’une multitude d’espaces naturels. On se retrouve donc face à une mosaïque d’habitats qui se compose de forêts, de bosquets, d’espaces agricoles, avec des cultures et des zones pastorales, mais aussi des habitations plus ou moins denses et des zones d’activités. Dans ces paysages, les cours d’eau et les arbres de bords de rivières jouent un rôle essentiel de connecteurs d’espaces, agissants comme des  « cordons » entre espaces naturels. C’est sur ces « espaces connecteurs », objet de nombreuses politiques européennes, nationales et régionales (infrastructures vertes), que se concentre CERES.

  • Dans quelle mesure le changement climatique affecte les corridors écologiques ?

Cette « connectivité écologique » va permettre aux espèces animales et végétales de satisfaire leurs besoins (nourriture, reproduction, …) mais également, dans un contexte de changement climatique, de pouvoir migrer vers des espaces plus propices.

Il ne s’agit pas tant du changement climatique que de la modification des usages des sols. En effet, cette connectivité entre espaces peut être affectée par des « points noirs » qui viendraient entraver ces connexions. Il faut donc s’assurer de la qualité écologique des habitats mais également de la qualité de cette connexion. Par exemple, en Charentes, un des partenaires de CERES a choisi comme espèce cible le vison dont l’habitat privilégié est les cours d’eau et qui est menacé d’extinction (c’est une espèce à statut de conservation prioritaire de la directive HABITAT de l’UE). De cette manière, on travaille concrètement pour la survie de l’espèce en améliorant son habitat et en s’assurant que son habitat est « connecté ». Mais le point positif c’est qu’il y a une prise de conscience globale des élus, des citoyens et des gestionnaires d’espaces naturels en termes de préservation de la biodiversité en Europe.

 

  • CERES se base sur l’étude d’espèces concrètes : quelles espèces avez-vous choisi ?

 

Grâce à leur capacité de dispersion, les espèces nous permettent de calculer différents degrés de connectivité des espaces naturels. Avec CERES, nous poursuivons un double objectif : améliorer les habitats naturels mais aussi améliorer les corridors qui servent de connexion. Cela contribue donc à préserver les espèces. Le choix de ces dernières répond à la qualité des milieux naturels prioritaires. Nous avons donc sélectionné des espèces « indicatrice » de la qualité du milieu et certaines sont dites « parapluies », c’est-à-dire qu’elles ont de telles exigences qu’en les protégeant on protège tout un cortège d’espèces particulière (faune et flore). Il y a le vison d’Europe en Charentes, des espèces de chauves-souris dans les Cévennes, les fourmis, chenilles et chauves-souris au Portugal et l’ours brun en Castille et Léon, le Grand Tétras en Catalogne…. Plusieurs de ces espèces sont des espèces patrimoniales qui répondent à des contextes naturels très divers.

 

  • À ce stade, avez-vous tiré des conclusions sur vos études ?

 

CERES vise à faire converger les différents outils existants pour créer une méthode commune qui nous permette d’étudier la connectivité en tenant compte des spécificités territoriales et dresser des stratégies de gestion adaptées. En ce moment, nous créons des cartes de connectivité de territoires pilotes où l’on identifie les zones sur lesquelles intervenir pour assurer que les connecteurs soient améliorés.

Dès que l’on touche « au vivant » la temporalité des projets est complexe : il est difficile d’apprécier dans le temps du projet l’impact réel des actions menées projet car les délais de réponse des milieux naturels sont très différents des délais administratifs et requièrent plus de temps. Ainsi, ce que nous faisons, c’est mettre en place un protocole qui nous permettra de tirer des conclusions au-delà de la vie administrative du projet. D’autre part, nous développons des actions de sensibilisation et de divulgation, notamment au travers de visites de terrains pour s’assurer un impact à plus court terme grâce à la diffusion des bonnes pratiques.

  •  Les propriétaires de forêts sont votre principal public cible. Comment travaillez-vous avec ces derniers ?

En Europe, la majorité des propriétés forestières sont privées et bien-entendu, les propriétaires ne sont pas obligés de suivre nos recommandations. Par ailleurs, il y a un morcèlement de la propriété important, avec beaucoup de petites propriétés. Et c’est là tout l’enjeu du projet : on ne peut pas « obliger », mais on peut s’associer aux organismes qui conseillent ces propriétaires dans leur gestion. En ce qui concerne la forêt publique, nous travaillons avec les collectivités territoriales et les gestionnaires de forêts publiques.

Jusqu’à présent, les propriétaires sont coopératifs. Nous travaillons sur des territoires d’intérêt écologiques ou les propriétaires sont ouverts aux recommandations.

  • Comment motivez-vous l’intelligence collective sur la question de la connexion écologique ? Comment vous assurez-vous la prise en compte des recommandations par les propriétaires, étant donné que ces dernières ne les bénéficient pas forcement économiquement ?

Nous avons de bons retours concernant la diffusion. Pour le moment, nous essayons de montrer que l’application des prescriptions écologiques engendre un prix mais elle permet surtout la mise en valeur de la biodiversité. Ce qui est donc important c’est de quantifier cette application.

Concernant les propriétaires de forêts, il est important de bien connaitre l’espace sur lequel on travaille, en dressant un inventaire complet et ainsi mettre en exergue l’intérêt écologique de leur foret. Plus particulièrement, ce que l’on fait, c’est apporter un regard nouveau sur la richesse de la biodiversité qui permet de les sensibiliser à ces questions. D’une manière générale, les gens sont réceptifs et constatent qu’il est possible de conjuguer préservation écologique et valorisation économique du bois.

 

  • Qu’est ce qui va changer avec CERES?

 

Je vois la contribution de CERES à la problématique globale de préservation de la biodiversité et de la « Green infrastructure » comme un cairn de montagne : chacun contribue à guider les randonneurs vers les prochaines étapes en ajoutant sa pierre à l’édifice. Ici, nous contribuons à montrer la direction d’une gestion multifonctionnelle des territoires qui permette de satisfaire les besoins tant de ceux qui vivent dans la forêt que de ceux qui vivent de la forêt.

 

  • CERES est un projet de coopération transnationale, ce qui implique des partenaires d’autres pays, cultures et spécialités : comment est l’expérience ?

 

L’expérience est toujours enrichissante. Comme chef de file ou pilote des actions, il est important de savoir canaliser l’information et vulgariser les contenues. Ainsi, la re-verbalisation reste clé ! Mais avant tout, il faut savoir rester ouverts, créer du lien et tout cela, dans la bonne humeur !

 

  • Dernières question pour nos lecteur soucieux de contribuer à la protection de notre environnement : que pouvons-nous faire concrètement, nous qui ne sommes pas spécialistes des forêts, pour améliorer les connexions écologiques ?

 

D’abord, essayer d’avoir un regard nouveau sur la géographie de l’écologie et comprendre comment fonctionne un paysage, en prenant conscience de l’importance des connecteurs. Et puis, dans la vie de tous les jours, respecter les milieux naturels. Ça passe notamment par une consommation de produits agricoles écoresponsables, issus d’exploitations extensives et non intensives, mais aussi de produits boisés issus d’une gestion durable comme par exemple le bois certifié ou produit localement.

Merci Sébastien !

Pour en savoir plus : https://www.ceres-sudoe.eu/