Le 10 décembre 2025, près de 80 inscrits – ont pris part à un atelier en ligne dédié à un enjeu central des soins palliatifs : l’évaluation de la complexité. Organisé dans le cadre du projet européen HENKO NET, coordonné par un consortium franco-espagnol-portugais, l’événement a réuni chercheurs, cliniciens et responsables institutionnels autour d’un objectif partagé : disposer d’un langage commun et d’outils opérationnels pour mieux appréhender les situations complexes en fin de vie.
Nommer la complexité pour mieux agir:
Dès l’ouverture, les organisateurs du CHU de Bordeaux et du Gérontopôle Nouvelle-Aquitaine ont posé le décor : « Nous voulons donner l’opportunité de se former pour avoir un langage le plus commun possible. »
La complexité n’est pas un simple équivalent de la difficulté. Elle traverse les trajectoires, les décisions, l’organisation des soins, et implique l’interaction de dimensions multiples : cliniques, psychosociales, éthiques, organisationnelles, spirituelles.
Cette première session, animée par le Dr Matthieu Frasca, a clarifié ce qui distingue la situation difficile – circonscrite, technique – de la situation complexe, marquée par l’imprévisibilité et les interactions dynamiques entre facteurs. « Parfois, un élément mineur déclenche une rupture majeure », a-t-il rappelé.
Trois cadres conceptuels ont été présentés :
- IDEC Pals, outil de repérage précoce des signaux de complexité ;
- CAPPA, modèle canadien qui propose trois niveaux de complexité pour ajuster les ressources ;
- Lemodèle de non-linéarité (EAPC), qui met en lumière les points de bascule et l’effet domino dans l’évolution des situations palliatives.
HEXCOM : un cadre structurant en six domaines HexCom_15años_2025_v2
Le cœur de la journée a été consacré au modèle HEXCOM (Hexagone de la complexité), présenté par le Pr Xavier Busquets i Duran.
Développé en Catalogne et utilisé dans différents pays, HEXCOM propose une analyse systématique en six domaines : clinique, psycho-émotionnel, spirituel, éthique/décision, socio-familial, mort et processus de mourir.
Chaque domaine est gradué de 0 à 3, permettant de visualiser l’écart entre les besoins du binôme patient-famille et la capacité de réponse des professionnels.
« Plus cette distance est grande, plus la situation est complexe », a rappelé le Pr Busquets i Duran.
Le modèle intègre également l’identification des forces et ressources, dimension essentielle pour orienter les priorités d’action et éviter une lecture uniquement déficitaire des situations.
Mettre en pratique la complexité
L’après-midi, Elixabete Elordi Astegia (Diputación Foral de Bizkaia) a animé une session d’analyse de situations cliniques.
À travers des cas réels, les participants ont pu expérimenter l’usage d’HEXCOM pour structurer la réflexion interdisciplinaire :
- Accompagner un dernier adieu, entre souhaits familiaux et confort du patient ;
- Affronter une douleur totale, lorsque toutes les dimensions entrent simultanément en crise ;
- Gérer une conspiration du silence, lorsque l’annonce du diagnostic est empêchée ;
- Anticiper la complexité silencieuse, dans des trajectoires fragiles mais encore stables.
Dans chaque cas, l’hexagone a permis de documenter l’évolution de la situation, de hiérarchiser les interventions et de soutenir la coordination entre équipes.
Complexité et recherche : ne rien oublier
La journée s’est conclue par l’intervention du Dr Gaëtan Piton (CHU de Brest), qui a montré l’apport des cadres de complexité dans la structuration de démarches de recherche.
Dans une revue réaliste portant sur les obstacles à la sédation palliative à domicile, l’usage combiné d’HEXCOM, de CAPPA et du modèle de non-linéarité a permis d’identifier l’ensemble des facteurs influents.
« Aucune nouvelle catégorie d’obstacles n’a émergé ensuite de la revue systématique », a-t-il souligné, confirmant la robustesse des cadres.
Une dynamique européenne en marche
Les concepteurs d’HEXCOM ont réaffirmé leur volonté d’accompagner la traduction et l’adaptation culturelle de l’outil, notamment en français et en portugais.
HENKO NET jouera ici un rôle de catalyseur pour harmoniser la terminologie, diffuser les outils et renforcer les coopérations entre équipes européennes de soins palliatifs.

